Les roues du Douglas Genève-Arlanda crissent sur le tarmac, nous sommes à 100 km de Väskerås. Le voici donc ce pays qui a donné jour à Katerina, Emma, aux deux Anders et Peder. Pour un jurassien bon teint, ce n’est presque pas dépaysant, les plateaux du côté de Saint-Laurent-en-Grandvaux, c'est comme ça : herbe rase et au loin, l'horizon toujours bordé de conifères sombres. Déjà dans le bus, l'environnement est international les voyageurs qui grimpent interpellent le chauffeur par des ….Wasteros !!!….. Wasteraiss !!…Wasterrass !!….Diable ! Sommes- nous dans la bonne direction .. ??? Nous nous rassurons en croyant repèrer des Norvégiennes à la tête de vocalistes. Västerås Centrale Station. Très vite, nous comprenons que tout sera très pratique, repérage du centre des congrès où tout a été centralisé et un mignon petit hôtel traditionnel dans les quartiers historiques de la ville. Accueil sans faille « made in Jenny » qui dispache gracieusement les arrivants, escortée par son équipe aux tee shirts orange facilement repérables. Nous avons choisi l'atelier « Group on the spot » avec PUST de norvège. Nous sommes une petite dizaine avec des brésiliens, hollandais, anglais. Au bout de quelques minutes, le dénominateur commun musical balaye les divergences linguistiques. Au fil des recontres, pendant ces 3 jours, nous allons découvrir avec surprise Françoise et moi, que nous sommes les seuls français. Privilège ou inconscience ? Une anecdote à ce sujet : alors que nous pénétrions dans une petite salle de conférence où le thème était l'histoire du Jazz Vocal, le groupe analysé était « Les doubles Six » ; le conférencier nous reconnaît et lance à l' assistance ... « ah très bien ! nous allons demander aux spécialistes ! » . les têtes se tournent, et en un instant, fiers et penauds à la fois (totalement conscient de notre incompétence), nous nous sommes sentis quand même un peu, pour un instant, les ambassadeurs des Double Six, Django Reinhardt, et Michel Legrand, Solal, Nougaro, etc. dans les échanges sympathiques qui suivirent. L'organisation Real Group s'est surpassée. Les pauses sont superbement organisées, fruits, boissons, mais le meilleur, c'est que les groupes constitués se sont battus pour obtenir 20 minutes de prestations chrono au moment des breaks. Alors de toutes parts s'élèvent des accords de onzième augmentée (ou diminuée ?). Bref la musique est tellement partout que nous avons presque du mal à communiquer. Accoudés aux différents bars des étages, on peut choisir son jazz vocal à la carte. Alors que ces moments magiques s'éloignent aujourd'hui, des personnalités restent en mémoire, par exemple le gars à casquette à pompons rouges vient d'Israël ! C'est drôle, son chef, très enjoué et dynamique a le profil de Lénine.
Il y a aussi le charme de Katerina qui régne avec un mélange de grâce, de fraîcheur sur cette cour chantante, pour moi, elle reste la reine Katerina de Suède 1ère du nom , mais ceci est une autre histoire.
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De grands vocalistes, un travail immense sur le son, la présence ; dès les premiers instants nous comprenons d'emblée que nous sommes au paradis du pur vocal. Nous ne verrons pas pendant trois jours le manche d'une guitare ou la peau d'une caisse ... même claire ! Ici, tout son est fabriqué avec la bouche, même quand on a envie de chercher l'orchestre. C'est la première fois que nous cotoyons autant de monsieurs boum boum au M2. PUST, dès le premier soir, fixe la barre très haut. Mise en scène impeccable ; mais des compositions un peu austères, légèrement sombres comme un fjord de Norvège. Nous reconnaissons nos professeurs du matin. Grand moment d'humour réussi et maîtrisé avec la basse qui arbore de faux airs de Dean Martin et réussit parfaitement son plagiat du style crooner. L'ensemble est planant, teinté ethnique du nord …. (appréciation peut-être hasardeuse d'un Français mais c'est mon ressenti). Ces Norvégiens présentent un programme formidablement maîtrisé avec quand même une légère frustration dans l'équilibre du programme, peut-être étions nous en attente d'un peu plus de rythme de la part de ce groupe de niveau professionnel. |
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4 suédoises (Emma Ludvigson, Josefin Peters, Lovisa Liljeberg, Emma Björling) limpides comme du cristal, une justesse époustouflante (dans un autre style elles font penser au trio Espéranza tellement elles sont toujours pile sur la note). Elles présentent un folklore d'influence nordique revisité aussi bien harmoniquement que rythmiquement. Elles évoluent avec un charme décontracté et un joli métier de la scène.
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Au début c'est la Genèse, ça fait penser à des voix qui viendraient de l'infini. A Edgard Varèse qui aurait recréé « Déserts » avec du pur vocal, ou bien à la bande son de l'Odyssée de l'Espace au moment où les Néendertaliens découvrent le parallélépipède de granit, circonspects et pétrifiés. Pendant quelques minutes, les éclairages restent discrets, on devine quelques silhouette floues, pourtant le son est puissant presque tellurique, avec un équilibre des voix tellement impressionnant qu'on se dit . « tiens ! il y a du monde chez Cosmos », ça plane pas mal. Quelques mesures après, nous trouvons que cela est très beau mais qu'il y a peut-être redondance après Pust. Enfin, lentement les personnages apparaissent et là on est bluffé … 5 jeunes hommes seulement !!! Le parti pris maîtrisé de vouloir un décalage de personnage entre chacun des chanteurs fonctionne à merveille. Les physiques et les costumes presques troublants renforcent d'emblée cette impression d'étrangeté, de jamais vu. Un brin androgyne, le leader, avec sa voix souple et haut perchée, fait penser à un Mandrake sylvestre. La basse, magnifique malgré son léger gabarit, accroche le regard avec ses longs cheveux noirs encadrant un visage d'ange gothique au teint tres pâle. Quelques morceaux plus loin, nous le retrouverons dans une imitation de Michael Jackson époustouflante. Le reste de la bande évolue dans la même tonalité, nous pourrions dire qu'il y a aussi quelque chose de Kafkaien dans tout ça. Le climat créé prend aux trippes, et les images projetées sur écran au-dessus de la scène, loin de nous déconcentrer, renforcent chaque ambiance dans un maelstrom un tantinet cosmique. L'humour arrive ensuite avec ce jeune leader charismatique, génial pince-sans-rire qui initie le public en quelques gags au folklore Letton. Alors nous pensons inévitablement à la chute du mur, à ce peuple letton tellement vocal dans son âme,développant et laissant éclore toute sa créativité du côté de Riga, se libérant de ses entraves, alors peut-être qu'un tel contexte n'est pas étranger au phénomène « Cosmos ».C'est vrai que ce soir là, le soleil un peu noir de l'a capella vocal se levait à l'Est. En un jet, la salle s'est levée elle-aussi conquise. Le lendemain, aux pauses café, dans le centre de congrès, il n'y en avait que pour Cosmos. A noter que Cosmos avait concouru à l'Eurovision en 2006, finissant 16° sur 24 en finale |
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Six showmen rompus à la scène déboulent. Immédiatement l'auditorium de Wasteras ne s'y est pas trompé Ils jouent sur leur terrain, avec un public conquis, le frémissement de joie de la salle annonce la couleur. ça démarre fort « Tribute to Tom Jones », c'est impeccable, ça tourne rond, les voix égales sont chacunes à leur place. Imaginez 6 cadres en goguette, costumes cravates, se disputant la vedette, c'est-à-dire la place de Tom Jones sur le devant de la scene. Bousculades, gags, références aux tubes des années 70/80 s'enchaînent dans un métier consommé. Bien sûr, étant donné le niveau de ce festival, Vocal 6 ne présente rien de trop créatif ; il est evident qu'ici en France, Indigo fait aussi bien, mais le plaisir est là, et avec cette jubilation permanente, le temps passe trop vite. C'est normal, ils fêtent leur jubilé cette année. Beaucoup de plaisir aussi de retrouver Good Vibrations, de cette remontée dans le temps. Brian Wilson était content. |
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« Ça c'est du mastoc , c'est de l'amerloque !!! ». Envie de plagier Claude Nougaro au concert de Vocal Line ? Et bien non, ils sont danois ! Pendant les dix premières mesures, l'impression qu'une locomotive rythmique et harmonique m'arrive dessus. Jamais dans aucun concert choral, je n'ai ressenti cette impression de puissance, de grande mécanique vocale quelque peu sidérante, inexorable. Ils sont tout en blanc, ondulent en vivant leur musique, possédés par le tempo et semblent passionnés et captivés pas leur chef Jens Johansen, qui distille ses nuances avec un charisme généreux. C'est un spectacle total de repèrer au centre les gros nounours des percussion vocales, flanqués des préposés aux cymbales et autres cliquetis glotiques. En peu en dessous, les lignes des altis ondulent et font bien sûr penser aux grands pupitres de l'âge d'or des grands orchestres nord-américains. Le répertoire est très chaloupé, influence Reggae, Antilles, et donne envie de bouger sur son fauteuil. Nous avons eu le plaisir de faire un bout d'atelier avec Jens Johansen et c'est une joie de chanter sous sa direction, rare de rencontrer un homme aussi détendu, souriant, qui parvient à allier rigueur et chaleur humaine à ce point. On peut discuter sur les compositions ou les arrangements du groupe, les harmonies. Les interventions rythmiques sont tellement riches, foisonnantes que l'effet s'estompe un peu apres 30 minutes. Comme le disait le grand chef d'orchestre Fürtwangler « quand tout est fort, rien n'est fort » ... mais quand même. Les accords sont très complexes, un peu systématiques dans l'hyper richesse, mais la maîtrise et le parti pris reste époustouflant pour ces 30 amateurs exigeants qui forment une chorale, certes, mais d'un niveau exceptionnel et tellement original que cela reste une découverte inouie. Vocal Line - Site officiel
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ça se prononce Rrrrrrajaton et pas avec la Jota espagnole (commentaires de la grande soprane de ce groupe au look de Rika Zaraï ... jeune !). Je décrirais ce groupe mixte finlandais avec un a priori favorable puisque c'est le préféré du Real Group. Lors de la présentation de Rajaton, il apparaît qu'ils ont tous des parcours musicaux riches et variés, par exemple le ténor vient du hard rock comme l'indique sa coiffure à l'iroquois. D'abord un éclectisme physique saute aux yeux : longs, rondes, roux, bruns, quelle disparité. On peut se demander quel est le dénominateur commun. Pas longtemps, car lorsque les micros s'approchent des bouches, la réponse est nette, claire, sans appel. Le son est d'une perfection stupéfiante, c'était d'ailleurs la profession de foi annoncée lors de la prestation du groupe. Alors que dans la musique vivante d'aujourd'hui, (même chez certains groupes pseudo classiques), s'accoquinent de plus en plus d'humour et mise en scène, Rajaton, lui, annonce clairement qu'il privilégiera toujours la recherche de la qualité vocale avant d'autres artifices. La démonsration est convaincante. Il est évident que le recrutement de ce groupe finlandais est rigoureux. Le baryton très typé nordique à la voix superbe et qui s'est fendu de solos somptueux, émerge de ce groupe. Avec ses cheveux roux frisés qui planent au-dessus de sa tête emmanchée d'un long cou, il est l'une des voix phare de ce groupe et reste dans ma mémoire. Il y a dans Rajaton, et ça passe la rampe, comme une éthique de son, comme une entrée en religion dans la quète de la meilleure vibration (Rajaton signifie "sans limites"). Nous avons remarqué dans la majorité de ces groupes du Nord ont un placement vocal très pur mais un peu droit, qui tendrait vers quelque chose de lègerement métallique. Peut-être est-ce seulement une impression par rapport à nos canons plus latin ? |
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Et si l'explication du mystère Real Group c'était l'hiver ? Lorsque le disque solaire disparaît en rognant l'horizon glacé pour ne réapparaitre vraiment qu'au printemps, que font les suédois ? Et bien entre autres choses, ils chantent …. Alors, il est donc normal que le meilleur groupe du monde soit Suédois. Tous les compatriotes de l'inspecteur Wallander rencontrés sur place sont de cet avis. François Bessac, qui en 2005 à Mayence aura mieux expliqué que moi les qualités du Real Group, me disait avec humour avant mon départ «Je suis jaloux de toi ». Je me suis dit : il exagère !! Expérience faite, il avait raison. The Real Group pour un amateur pratiquant un peu averti, c'est une drogue dure. Bien sûr, il y a ce parcours identique au conservatoire de Stockholm, leurs qualités vocales, leurs pratiques instrumentales, augmentées de talents d'arrangeurs etc. Mais la réponse comme souvent est peut être un heureux mélange de tout ça, avec en plus un facteur humain formidable, celui d'avoir été 5 à vouloir vivre cette aventure depuis 25 ans, avec la même fraîcheur indéfectible. C'est peut être naïf et puéril, mais nous avons l'impression qu'ils s'aiment, qu'ils aiment les spectateurs et qu'ils veulent nous le dire avec leur musique. La magie, ils se baladent sur scène, rien d'outré, de surjoué, de surchanté, seule la musique, le rythme, le plaisir qui vous enveloppe au bout de 3 mesures que vous le vouliez ou non. La scène est un métier alors sans déployer une mise en scène sophistiquée ; ils évoluent avec beaucoup de grâce, de décontraction apparente, ils sont beaux, généreux et leur niveau d'excellence n'a d'égal que leur simplicité. Les quelques minutes où nous avons pu approcher Anders Edenroth, un groupe de festivaliers le mitraillait de photos, et lui, se retournant en rigolant semblait dire « arrêtez les flashs !! où est la vedette ici ? ». Lors de la présentation du groupe aux festivaliers, ils nous ont donné une belle démonstration des palettes multiples offertes aux groupes a cappella dans le placement vocal, en reprenant une dizaine de fois les même mesures de « Waltz for Debby » avec des couleurs des styles très variés à l'instar de ce qui se passe dans « It don't mean a thing », au moment où ils basculent dans une sonorité de cuivres plus ou moins bouchés. L'équilibre des voix est stupéfiant ; le son parfait et à ce titre, il est évident que le 6ème musicien du groupe est l'ingénieur du son Jan Apelholm qu'ils n'oublient jamais de féliciter fréquemment. Avec tout ce talent le Real Group est-il connu en Suéde ? oui un peu. Quelques passages à la télé mais sans plus. Sidérant ? non pas vraiment si l'on considère le créneau, c'est comme ça. Les double Six l'étaient-ils en 1959 ? Les doubles quoi ? La tonalité dominante de ce festival a été ce plaisir d'échanger ce qui, d'évidence animait tous les participants. Si la maîtrise du Real Group nous a enchanté, ce n'était en aucun cas pour donner une leçon ; au contraire, il me reste la vision de Katarina Henryson, qui à son tour spectatrice, battait des mains, s'enthousiasmant aux performances des autres groupes avec une joie non feinte. J'ai lu quelque part qu'ils étaient considérés comme le meilleur groupe vocal du monde, après ces trois jours merveilleux pour moi, la réponse est : oui ! The Real Group - Site officiel
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S'il n'avait perdu l'une de ses bagues qu'il cherchait à 4 pattes entre nos jambes, nous n'aurions pas remarqué ce type au look de rappeur avec sa casquette résoluement vissée à gauche sur un crâne presque glabre. Qu'importe !! dans les heures qui suivirent nous ne pouvions pas échapper au : « Phénoménal Jake Moulton ! Mister beat boxing !!! (membre du groupe The House Jacks) Est-ce ce physique un peu étrange qu'il l'a au départ prédisposé à ces percussives prouesses ??? Mais sans doute que son torse body-buildé qu'il exhibe volontiers en prenant des pauses (heureusement avec humour) y est pour quelque chose. Sa prestation est époustouflante, et donc coupe le souffle, et l'on se demande où, lui, il trouve le sien car le son qui sort de ses lèvres un peu proéminentes, est un ruban rythmique sans pause. Toujour jovial et pétillant de vitalité, il fait penser à une batterie électrique qui aurait un trop plein d'énergie à dépenser. Mais en l'espace d'un "ring shot", l'autre batterie ! l'acoustique ! démarre et là, c'est sidérant, son corps ondule et ses mains découpent l'espace et dessinent l'emplacement de chaque toms ou cymbales, sur des tempi qu'il forge avec la rigueur et la souplesse d'un Phil Joe Jones. Alors béat nous admirons la précision et la fulgurance d'un "Puh" !!! soufflé (un peu) mais percussif surtout, entrecoupé d'éclairs sonores en forme de "Tssiii , Tssiii", astuces qu'il divulgue volontiers dans ses ateliers. Bien sûr il fait partie d'un groupe aux US et à tourné avec les meilleurs. Un murmure de plaisir accompagnait toutes ses apparitions dont il ne fut pas avare. The House Jacks - Site officiel
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Il reste de ce voyage au pays du pur vocal une nostalgie de ce formidable univers clos de 400 chanteurs de tous pays. Ce fut une communion chaleureuse où l'envie de partage était réelle, exit le moindre soupçon d'une quelconque rivalité. Alors, comment supporter l'idée que le Real Group ne soit venu qu'une seule fois en France (festival Eclats de Voix à Auch puis à Caen en juin 2007 ? Gens du vocal français de l'a cappella ! Unissons-nous pour faire que cet événement ait lieu encore. Internautes de Jazz choral.free, rassemblons nos energies pour décider quelque chose, François Bessac de Charlatan Transfer et beaucoup d'autres devraient partager mon avis. Grâce à ce site, peut-être est-ce réalisable, ainsi avec la masse ainsi levée de sympathisants, nous pourrions organiser deux ou trois concerts en France, c'est le souhait des deux Français présents à : The Real acapella Festival premier du genre . Gérard GUYOT |
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